Un auteur vous parle de son ouvrage : Pierre Klein | De Pékin à Paris

Les membres de l'ISTR ont lu "La Pérégrination vers l’Occident. De Pékin à Paris, le voyage de deux moines nestoriens au temps de Marco Polo" et vous conseillent sa lecture.

vignette peregrinations vers l'occident Pierre Klein

Voyage d'Est en Ouest


Dans la rencontre avec l’Orient, nous présupposons volontiers qu’au Moyen Âge l’initiative revient toujours à l’Occident, que le voyage mène systématiquement d’Ouest en Est. Eh bien pas toujours.
La Pérégrination vers l’Occident[1] raconte ainsi l’un des seuls voyages avérés en sens inverse.

En 1275, deux moines chrétiens nestoriens, ouïghours, originaires de Pékin décident de se rendre en pèlerinage en Terre Sainte. Un voyage tout à fait inhabituel et dangereux. Il leur faut deux années pour atteindre la Mésopotamie. Là, les conflits entre Mongols et Mamelouks égyptiens vont les obliger à renoncer à leur projet, mais l’un va devenir le pape des nestoriens, Église qui compte alors plus d’évêques que celle de Rome, et l’autre sera ambassadeur des Mongols auprès des royaumes européens pour tenter de construire une alliance contre l’Égypte, dernière puissance musulmane importante.

Cette ambassade, qui aurait pu changer la face du monde, fut un échec mais, grâce à son compte rendu, on aperçoit l’Europe avec les yeux d’un Asiatique.

Ce récit montre notamment que si les conflits théologiques entre catholiques, orthodoxes et nestoriens étaient sources d’anathèmes officiels, les relations personnelles pouvaient être empreintes d’une grande cordialité, le pape et l’ambassadeur participant sans réserve aux cérémonies l’un de l’autre. C’était anticiper de six siècles la reconnaissance mutuelle.

La chronique de cette double aventure a été rédigée au début du XIVe siècle. Un seul exemplaire en a été retrouvé et publié au XIXe siècle. C’est peut-être le plus étonnant. En effet elle évoque des ambassades fréquentes et mentionne la présence de nombreux missionnaires et marchands européens en Mésopotamie.
Pourtant les voyages documentés à l’époque sont très rares. Seul celui de Marco Polo a connu une large diffusion. En réalité, les échanges entre Occident et Orient étaient facilités par la puissance mongole. Ils étaient réguliers mais leurs acteurs ne voyaient guère l’intérêt de les écrire. Les rencontres étaient bien plus courantes et leurs influences plus profondes et fécondes qu’on ne l’imagine souvent. Nous avons la chance d’en trouver ici un témoignage.

La forme romanesque permet de replacer les événements dans leur contexte tout en donnant aux personnages une épaisseur psychologique qu’ils n’ont pas dans la chronique.

La Pérégrination vers l’Occident a reçu le prix littéraire de l’Œuvre d’Orient 2020. Ses droits d’auteurs sont versés à l’archevêque chaldéen d’Erbil.

Pierre Klein

[1] Pierre KLEIN, La Pérégrination vers l’Occident. De Pékin à Paris, le voyage de deux moines nestoriens au temps de Marco Polo, Genève, Olizane, 2020.
Lieu(x) :
Publié le 17 février 2023 Mis à jour le 23 février 2023

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