L’inclusion des personnes exilées dans l’entreprise : quels enjeux ? quels défis ?

Noémie Paté, Directrice du DU Action sociale et migrations, et Yasmine Leroux, Directrice de l’organisation TENT France, coalition d’entreprise pour favoriser l’inclusion des personnes exilées, sont revenues sur le contexte des phénomènes migratoires puis sur les barrières et défis rencontrés par les employeurs et façon de les relever. 
 

Comprendre les migrations internationales 

Selon l’ONU,  281 millions de migrants internationaux en 2020 représentaient 3,5 % de la population mondiale, et selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, la population migrante en France représente environ 10% de la population totale en 2024.
La grande majorité des migrations sont intra-européennes (Balkans, Italie, Portugal), et des pays d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) et autres pays d’Afrique. Les titres de séjour accordés en France sont stables depuis le début des années 2000, soit autour de 250-300 000 titres accordés chaque année.  Les raisons principales sont le regroupement familial, les études et le travail.
 
La migration qui augmente est une migration estudiantine, tandis que les migrations de travail et familiale ont tendance à reculer (INSEE, ministère de l’intérieur).   
 
L’asile est en augmentation progressive, mais :   

• l’augmentation est proportionnelle à l’augmentation mondiale
• la France est au 21e rang des pays d’accueil dans l’UE (l’un des pays où l’immigration est la plus faible en Europe de l’ouest et la France a proportionnellement moins d’immigration qu’avant les années 2000)  
• l’UE accueille peu à l’échelle du monde. Selon Eurostat cela représente 1,81% du total des migrations internationales

Le travail : facteur décisif pour l'insertion des populations immigrées 

"S’accomplir par le travail, c’est rendre à une personne sa dignité et lui permettre de trouver sa place et sa légitimité dans la société" Fatemeh Jailani, Singa

 
En France, le travail des étrangers est encadré par la législation française et européenne et varie selon le statut de séjour de la personne : 

• pour travailler légalement, un étranger non ressortissant de l'UE doit être titulaire d’un titre de séjour l’y autorisant, comme une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire"
• le droit au travail des demandeurs d’asile est soumis à des conditions strictes (délai à respecter, emploi figure dans une liste de métiers en tension)
• les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire bénéficient d’un accès libre au marché du travail, au même titre que les citoyens français

Des associations, des entreprises à mission ou encore des coalitions d’entreprises proposent d'accompagner des personnes exilées pour accéder au marché de l'emploi. C'est le cas notamment de Tent France, coalition de 45 grandes entreprises qui se mobilisent pour aider les personnes réfugiées par le biais de la préparation à l’emploi et de l’embauche. 

L'évolution du regard des entreprises sur l'emploi des réfugiés

C’est avec l’arrivée des réfugiés ukrainiens que le sujet de l’accueil et de l’insertion pérenne des personnes migrantes dans les entreprises a gagné en visibilité et en popularité. De façon générale, l’impact économique des migrations tend à être neutre ou positif pour les pays d’accueil car ils n’entrent pas en compétition avec les locaux. Notre économie est tributaire du travail des immigrés.
Ils permettent également de stimuler l’innovation, de renforcer les compétences, la créativité, la résilience de l’entreprise ou encore l’engagement des collaborateurs. C’est aussi, plus largement, une manière d’engager socialement et éthiquement l’entreprise dans la défense du modèle social de l’égalité des chances, de la solidarité et de la cohésion.    
 

Personnes exilées et entreprises : les défis à relever   

On constate en France que le taux de chômage des immigrés est 2 fois plus important que celui des Français et 4 fois plus élevé pour les réfugiés. Cela est dû à un ensemble de facteurs comme les emplois conditionnés à la nationalité, les conditions de vie précaires, les discriminations, la barrière de la langue, la reconnaissance des diplômes, etc.  
Les candidats sont donc nombreux, en particulier pour les personnes diplômées qui ont tendance à occuper des postes très inférieurs à leurs qualifications, et pour les plus jeunes et les femmes migrantes qui connaissent de grandes difficultés à s'insérer dans le marché du travail.   
  
Mais cela représente aussi un véritable défi pour les entreprises. Une fois que l’entreprise s’engage sur ce sujet, plusieurs questions se posent concernant par exemple les politiques de recrutement, l’investissement durable des salariés dans la démarche, la préparation de l’arrivée de la personne exilée et son accompagnement, l’anticipation de conflits et la lutte contre les discriminations.  

La Fondation Tent fait le lien entre entreprises et réfugiés

La Fondation Tent Partnership for refugies mobilise le secteur privé sur son rôle dans l’intégration professionnelle des personnes réfugiées. Elle est présente dans 11 pays, dont la France.  

"Sa mission c'est de mobiliser, de conseiller et d'accompagner les grandes entreprises sur des dispositifs de recrutement, de formation ou de mentorat de personnes réfugiées . En ce sens Tent apporte des réponses aux défis à relever." Yasmine Leroux, Directrice de Tent France

Pourquoi recruter des réfugiés ?
 
D'après la dirigeante de Tent France, Yasmine Leroux c’est la bonne chose à faire d’un point de vue éthique. Selon elle, les entreprises ont un rôle à jouer car le travail est une étape primordiale pour permettre aux personnes exilées de reconstruire leur vie. Recruter des réfugiés est également bénéfique pour l’entreprise qui ont ainsi à un vivier de talents riches et variés. Les personnes réfugiées ont souvent fait preuve de résilience, de motivation et de capacité d’adaptation, des qualités précieuses dans le monde professionnel. Les consommateurs sont également favorables aux marques qui embauchent des réfugiés.  

C’est donc un choix de management stratégique, qui peut faire grandir les équipes, l’entreprise, et le manager en tant que leader. En recrutant des réfugiés, les managers acquièrent de nouvelles compétences précieuses, comme la capacité d’écoute et d’adaptation, ou encore comment renforcer la cohésion d’équipe.   

Tent France met en place des outils pour accompagner les entreprises.