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Mouvement des agriculteurs : trois questions à Olivier Cuissard

Alors que les manifestations prennent de l'ampleur, Olivier Cuissard, directeur de l'ICP campus de Reims et de son nouveau master en gestion des exploitations agricoles et viticoles, nous éclaire sur les raisons de cette colère.

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Quelle est votre vision du mouvement agricole de ces derniers jours ?

Les agriculteurs sont aujourd’hui, pour certains d’entres eux, en grande détresse, à la fois financière, psychologique et en quête de sens. Le monde agricole change et tout changement créé du désordre et de la tension. Ils ont raison de montrer leur désaccord, d’exprimer leur détresse. 
Les agriculteurs ont investi massivement dans la modernisation de leur outil de production. Ces investissements ont considérablement endetté les structures.

Si vous prenez en considération que face à cet endettement, les revenus sont désormais dépendant des marchés internationaux, fluctuants par nature, vous comprenez que certains d’entres eux n’arrivent plus à se verser de revenus.
 

Quelles sont les problématiques rencontrées ? Quel est la dynamique du secteur agricole dans la Marne ?

Nous imposons des règles très strictes à nos agriculteurs alors même que nous importons une part significative de ce que nous consommons, lesdites productions étant produites dans des conditions moins rigoureuses, bien souvent.
 

Il faut avoir en tête que 20 % de ce que nous avons dans nos assiettes sont importés de l’étranger.


Ces difficultés ont été aggravées par les évènements récents comme le conflit en Ukraine, l’augmentation du prix des intrants, les crises sanitaires dans l’élevage ou bien l’inflation généralisée.

Nous avons dans la Marne près de 13 000 exploitations agricoles et 8 000 exploitations viticoles. Près de 80 % des exploitants ont 55 ans ou plus. Ceci signifie que dans les 5 ans à venir, beaucoup d’exploitants vont prendre leur retraite, et autant d’exploitations laissées sans successeurs.
 

Comment justifier l’ouverture d’un Master Gestion des exploitations agricoles et viticoles dans ce contexte ?

Gérer une exploitation, c’est gérer une entreprise. Or, nous ne possédons pas, sur le plus important territoire de France, de formation en gestion des exploitations agricoles et viticoles.
Il s’agit d’un sujet lié à l’enseignement supérieur en premier lieu mais aussi, à mon sens, un enjeu sociétal, et même politique, au sens où les agriculteurs ont besoin d’une impulsion, d’un soutien pour les aider à penser l’avenir de leur entreprise, l’avenir de leur secteur.

Si nous ne voulons pas voir ce secteur structurant de nos territoires disparaitre, nous devons former les agriculteurs de demain.
Cela veut dire que nous devons faire de nos étudiants, futurs professionnels du secteur des citoyens avertis, capable de comprendre leur environnement, de préserver cet environnement et capable de construire des dynamiques et activités valorisantes leur permettant de garantir leurs revenus.

Nous ne pouvons pas laisser un secteur, garant de notre patrimoine et de notre histoire, dans la détresse que nous lui connaissons aujourd’hui.
Nous devons réunir les forces vives, les parties-prenantes, pour résoudre ce malaise avec des conditions de vie précaires et une concurrence inéquitable des marchés mondiaux. Plus globalement encore, une concertation publique doit être menée sur le sujet.
 

L’agriculture est notre patrimoine à tous. Nous entendons apporter notre soutien à nos agriculteurs avec les moyens qui sont les nôtres, à savoir former des jeunes actifs du secteur !

 
>> Découvrez le Master Gestion des exploitations agricoles et des exploitations viticoles
>> Retrouvez Olivier Cuissard lors de nos JPO Masters, à Paris le 3 février, à Reims le 10 février.

   
Olivier Cuissard est professeur d'économie. Directeur du campus rémois de l'ICP depuis 2021, il dirige le Master Gestion des exploitations agricoles et viticoles et le Master Gestion des PME / PMI.



 
Publié le 1 février 2024 Mis à jour le 28 février 2024

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