Paris

DU d'éthique - Regards croisés sur une nouvelle formation

Pour faire face aux défis de la réflexion et de la pratique, les acteurs de la santé peuvent se former en suivant un Diplôme universitaire d'éthique. Interview de deux de ses créateurs

DU ethique -intw croisée
Le nouveau diplôme universitaire d’éthique : soin et santé dans une société pluraliste. Accompagner, discerner, décider débutera en octobre 2022.
Il a pour objectif de fournir aux acteurs de la santé des compétences d'éthique pour discerner en situation complexe.

Créé conjointement par l'Institut Catholique de Paris et le Centre Sèvres - Facultés jésuites de Paris, deux théologiennes du Theologicum en sont à l'origine : Marie-Dominique Trébuchet et sœur Anne-Solen Kerdraon.

Elles répondent à nos questions et nous éclairent sur les raisons de cette création :
 

Quel élément déclencheur est à l'origine de la création de cette formation ?

Le désarroi des soignants et des accompagnants devant des situations complexes pour lesquelles souvent le temps de réflexion est insuffisamment nourri et, pour les chrétiens particulièrement, leur difficulté à trouver des ressources pour un agir qui soit en cohérence avec leur foi.

Leur place auprès de personnes très vulnérables et en grande précarité sociale ou médicale est essentielle et pourtant la société se préoccupe peu de leur formation. Elle offre des réponses en termes de lois alors que la réalité s'affronte en termes d'humanité et de relations.

En outre - et la dernière révision des lois de bioéthique en 2021 nous l'a bien montré - les questions de bioéthique sont l'occasion de débats extrêmement complexes, en ce qu'ils sont tout à la fois biomédicaux, politiques, sociétaux, philosophiques, religieux ou encore juridiques.
Ces débats peuvent être sources d'incompréhensions mutuelles importantes, voire de réels clivages.

Cette difficulté à débattre et dialoguer se retrouve au cœur des décisions singulières qui sont à prendre dans le soin des personnes en situation de maladie, de vulnérabilité ou de précarité sociale. Face au désarroi des différents acteurs du soin (soignants, éducateurs, travailleurs sociaux, aumôniers d'hôpitaux, responsables d'établissement, etc.), porteurs eux-mêmes de convictions philosophiques et religieuses différentes, il nous a semblé important de mettre en place une formation qui les rassemble et leur donne les moyens d'une délibération éthique commune.


Pourquoi cette formation voit le jour aujourd’hui : est-ce l'évolution de la société ? des mentalités (des patients, des soignants) ? La crise de l’hôpital ?...

Les institutions catholiques prennent davantage conscience de la responsabilité qui est la leur de donner accès d’un, aux ressources des traditions d'hospitalité et des pratiques de soins et de secours et de deux, d'accompagner la formation au discernement en donnant des repères anthropologiques, philosophiques, théologiques pour que les personnes agissent en liberté.

Elles souhaitent être présentes sur ces terrains où l'humain est menacé d'abandon, cela au nom de leurs compétences et expériences dans ces domaines en résistant à une sorte de pensée unique qui renvoie les religions à l'intime et au privé en leur déniant toute compétence sur le terrain de l'humain souffrant.


En quoi l’ICP est-il totalement légitime à proposer cette formation ?

D'abord, l'ICP, offre un contexte universitaire interdisciplinaire.

Ensuite, il est un lieu de tradition de la formation théologique, anthropologique, philosophique, en dialogue avec les sciences humaines, à partir des pratiques et de l'écoute : Tesson, Oraison, Thévenot ; et plus récemment, des théologiens insérés dans des terrains de vulnérabilité : Anne-Solen Kerdraon (expérience d'aumônier d'hôpital), Catherine Fino (médecin), Marie-Dominique Trébuchet (accompagnement fin de vie).


Pourquoi cette formation a-t-elle été co-créée avec le Centre Sèvres - Facultés jésuites de Paris ?

Parce qu'il était important d'unir nos forces pour rendre visible une présence éthique et théologique dans ce domaine et que nos compétences se complètent et s'enrichissent.


Que va apporter l’étude des traditions religieuses et spirituelles à la réflexion des étudiants qui suivront ce parcours ?

Ce champs d'études est fondamental car il apportera aux personnes qui se formeront :
  • Une ouverture à un champ de réflexion que la culture contemporaine tend à occulter ou à disqualifier.
  • Un rapport à l'histoire et donc une possibilité de s'y rapporter pour comprendre et éclairer la situation actuelle.
  • Une tradition de discernement qui prend en compte la complexité et tient que la conscience, comme autorité morale, se forme dans le débat et le dialogue.
  • Une redécouverte de la religion comme tradition spirituelle qui place l'humain au centre de la décision et du cheminement moral.
  • Une autre conception de la liberté ouverte à la croissance du sujet et au Bien commun.
  • Une autre manière d'élaborer l'éthique que celle qui pense tout en termes de droit.

Marie-Dominique Trébuchet
Théologienne, docteure en théologie, Marie-Dominique Trébuchet est directrice de l’IER - Institut Supérieur de Sciences Religieuses à l’ICP.
Ancienne vice-présidente de la Société Française d'accompagnement et de soins palliatifs, bénévole en soins palliatifs. Elle est spécialiste en théologie morale, théologie fondamentale et théologie sectorielle.

Sœur Anne-Solen Kerdraon
Sœur auxiliatrice, théologienne, docteure en théologie, Anne-Solen Kerdraon est directrice du Département Théologie morale et spirituelle du Theologicum.
Spécialisée en théologie morale fondamentale, bioéthique, morale familiale, elle est membre de l’Association de Théologiens pour l’Étude de la Morale (ATEM).
Titulaire du Prix Jean et Maurice de Pange pour sa thèse « La pensée du tragique chez Martha Nussbaum et Paul Ricoeur – Vers une éthique théologique accueillante aux fragilités humaines ».
 
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Lieu(x) :
  • Paris
Publié le 26 juillet 2022 Mis à jour le 31 août 2022

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