Colloque

Retour sur le colloque "La liturgie, épiphanie de l’Eglise"

230 liturgistes ont participé au Colloque annuel de l’ISL en janvier derniers. Un colloque interdisciplinaire marqué par la question synodale. Les Actes seront publiés dans un dossier de La Maison Dieu et dans un livre.

illu retour sur coll ISL 23 Diocèse d'Évry - Corbeil - Essonnes

Rendez-vous de la Liturgie

Ce colloque a été marqué par une interdisciplinarité fondamentale, le mot qui m’était initialement venu à l’esprit en commençant la rédaction de ces quelques lignes de conclusion était celle d’objet hybride. Mais interdisciplinaire est plus académique. Interdisciplinaire même si le très bel exposé que vient de nous donner Philippe Barras nous a « ramené » par une belle inclusion sur les terres liturgiques qui nous sont familières.

Je ne dis pas cela parce que dans notre faculté à l’heure de Veritatis Gaudium l’interdisciplinarité est…à la mode mais simplement parce qu’en reprenant les problématiques des colloques de l’ISL des dix dernières années, l’édition 2023 est effectivement l’une des plus interdisciplinaires qu’il nous ait été donné de proposer.

Et, de fait, durant ces trois journées, le dialogue a été constant entre deux disciplines théologiques dont je soulignais qu’elles s’étaient constituées comme sciences avec la modernité occidentale : la liturgie et l’ecclésiologie.
Cette affinité qui s’est manifestée de manière éclatante avec les deux premières constitutions de Vatican II a des racines plus profondes : ces deux disciplines, la liturgie et l’ecclésiologie, ont en effet en commun d’être marquées par une historicité fondamentale, qui n’est pas celle, en quelque sorte surajoutée, d’autres disciplines théologiques qui demeurent marquées dans leur ADN par l’anhistoricité de la synthèse scolastique. Andrea Grillo et Hélène Bricout l’ont brillamment montré de leur point de vue de liturgistes, Gilles Routhier de son point de vue d’ecclésiologue. Et à sa manière François Cassingena dans sa belle méditation qui articulait à sa manière, poétique, eschatologie et histoire.


Synodalité

L’actualité synodale s’est invitée dans un colloque qui partait d’un adage « La liturgie, épiphanie de l’Église » qui, a priori, ne la concernait pas. Et de quelle manière ! Patrick Prétot et Arnaud Join Lambert ont montré combien la question synodale allait désormais bousculer l’appréhension que nous avons de la question liturgique.

Si, ce que je crois, ou j’espère….la dynamique synodale en cours est un processus irréversible nous ne pourrons plus l’ignorer quand il nous faudra reformuler pour nos étudiants les grandes intuitions du Mouvement Liturgique et de Sacrosanctum Concilium. Plusieurs contributions, dont celle d’Alphonse Borras, ont souligné combien en ce sens Desiderio desideravi constituait une étape aussi originale qu’importante de reformulation des intuitions du Mouvement Liturgique pour des temps qui ne sont définitivement plus ceux qui les avaient vu être formulées, ni ceux du Concile.
C’est une de nos tâches de liturgistes héritiers du Mouvement Liturgique : nous ne pouvons plus nous contenter de répéter comme des mantras rassurants ces grandes intuitions du Mouvement Liturgique, ni même les grandes formulations conciliaires, au nom même de la fidélité à cette tradition dont nous sommes convaincus qu’elle demeure pertinente et féconde pour aujourd’hui.

Tout ce que nous avons dit sur la participation active, et peut-être plus encore sur l’assemblée, avec Congar, cité à de nombreuses reprises, le montre si besoin était.


Des fruits d'une réelle portée pour l’avenir.

Nous pressentions depuis plusieurs années à l’ISL l’importance de la dimension ecclésiologique de la liturgie, nous l’avions d’ailleurs installée parmi les fondamentaux de notre offre de fondation. Si l’Église se laisse de fait traverser par le processus synodal, le rapport à la question liturgique s’en trouvera à coup sûr impacté. C’est pour moi l’un des grands enseignements de ce colloque. Même s’il ne faut pas lester la conversion synodale de l’Église de vertus irréalistes, je parle de vertus et pas d’espérances irréalistes car il faut évidemment continuer à espérer en ces temps difficiles que traverse l’Église, il est possible que dans les différents domaines où nous pouvions nous « impatienter » de la difficulté ou de la lenteur de la réception de certaines des grandes intuitions de Vatican II, l’espace et la musique liturgique, la ministérialité, je fais évidemment allusion aux contributions de sr Dominique Waymel, de Philippe Robert et de votre serviteur, il est donc possible que cette réception puisse et doive d’une certaine manière prendre le chemin, qui n’est pas un détour, de la synodalité.

L’avenir dira si le « tournant synodal » que semble prendre l’Église catholique sera ou non décisif pour « approfondir » la réception de Vatican II et en particulier pour enraciner dans l’épaisseur du corps ecclésial, la réception, tellement difficile parce que, peut-être superficielle, de la réforme liturgique.


Le processus d’initiation qui fait le chrétien : de plus en plus pertinent pour les liturgistes

Deux exposés sont passés un peu inaperçus dans ces trois jours de colloque, pour des raisons d’ailleurs très différentes : ceux de Mgr Getcha et du fr Isaia Gazzola. On a souligné combien la synodalité redonnait une pertinence, certains ont parlé de second souffle à un œcuménisme qui semblait s’assoupir. Je ne partage pas totalement ce constat d’ailleurs car l’œcuménisme, dans sa version théologique me semble, du moins ici à Paris, se porter comme un charme. Peut-être d’ailleurs que cette dimension, œcuménique, de notre question aurait mérité d’être davantage honorée, en particulier du côté des Églises de la Réforme dans nos travaux.
D’autre part, s’arrêter comme l’a fait le fr Isaia Gazzola, sur le processus d’initiation qui fait le chrétien, s’avère une fois de plus pertinent pour nous liturgistes. Le rituel d’initiation chrétienne, probablement parce qu’il est le seul des grands rituels à ne pas être le fruit d’une réforme de rituels tellement marqués par l’étape scolastico-tridentine, est celui qui manifeste le plus profondément et de manière heureuse, allais-je dire, cette articulation entre liturgie et ecclésiologie, y compris dans sa dimension pluri ministérielle que nous avons explorée trois jours durant.

Un mot enfin pour souligner si besoin était l’importance de l’exercice de relecture, ce fameux fil rouge, confié cette année à sr Bénédicte Mariolle. Merci ma sœur ! Plusieurs d’entre vous m’ont dit que ces courtes séquences matinales les avaient aidé à entrer dans une problématique dont ils ne maitrisent pas forcément la technicité.



A l'année prochaine pour l'édition 2024, du 31 janvier au 2 février : Former en Liturgie

Gilles Drouin, directeur de l'ISL
Lieu(x) :
Publié le 23 mars 2023 Mis à jour le 29 mars 2023

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