Un martyre reconnu par le pape Léon XIV
En juin 2025, le pape Léon XIV a officiellement reconnu le martyre de 50 Français tués par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux figurent trois hommes d'Église qui ont étudié ou enseigné à l'Institut Catholique de Paris : le séminariste Jean Tinturier et les prêtres Maurice Rondeau et Jean Batiffol.
Ces martyrs ont accompli une mission périlleuse : suivre les travailleurs français envoyés en Allemagne dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO) pour leur apporter un soutien moral et spirituel. Leur engagement leur a coûté la vie. Ils ont été assassinés en haine de leur foi catholique.
Jean Batiffol (1907-1945) : l'aumônier clandestin de Mauthausen
Né le 10 avril 1907 à Paris, Jean Batiffol est le fils de l'historien Louis Batiffol et le neveu de Mgr Pierre Batiffol, également historien. Brillant étudiant, il obtient une licence en droit et en histoire avant d'enseigner au lycée français de Coblence durant son service militaire en Allemagne.
Un parcours académique remarquable
Jean Batiffol poursuit sa formation à l'Institut Catholique de Paris au Séminaire des Carmes, où il entre en octobre 1933. Il est ordonné prêtre le samedi saint 16 avril 1938. Nommé à Saint-Étienne-du-Mont, il prépare une thèse sur saint Hilaire tout en animant un groupe de normaliens.
Du front au camp de concentration
En septembre 1939, Jean Batiffol rejoint le 26e régiment d'artillerie. Fait prisonnier dans les Vosges le 22 juin 1940, il est envoyé à l'Oflag XVIII à Lienz, en Autriche, où il maintient une activité intellectuelle intense et se consacre aux besoins spirituels de ses compagnons.
Pour avoir étendu son ministère aux travailleurs civils, l'abbé Batiffol est arrêté fin janvier 1945. Incarcéré à la prison de Graz, il est ensuite envoyé au camp de Mauthausen où il devient clandestinement l'aumônier du Revier, succédant au Père Riquet. Il y meurt en 1945.
Maurice Rondeau (1911-1945) : le prêtre au service des malades
Né à Neuvy dans la Marne le 25 août 1911, Maurice Rondeau est ordonné prêtre pour le diocèse de Meaux. Sa formation à l'Institut Catholique de Paris le prépare à un ministère qu'il exercera avec un dévouement total.
Un engagement qui conduit au martyre
Le motif de son arrestation par les nazis est explicite : « prêtre, activité religieuse, visite les malades ». Cette simple phrase témoigne de son engagement pastoral auprès des travailleurs français déportés en Allemagne.
Interné au camp de concentration de Buchenwald, Maurice Rondeau survit jusqu'à la libération mais décède des suites de ses souffrances le 3 août 1945 à l'hôpital bavarois de Cham.
Jean Tinturier (1921-1945) : le séminariste martyr de la Mission de Thuringe
Jean Tinturier naît à Vierzon le 20 février 1921. Séminariste pour le diocèse de Bourges, il entre en octobre 1938 au séminaire de Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux, puis en 1942 au Séminaire des Carmes à Paris, rattaché à l'Institut Catholique de Paris.
Une mission clandestine au cœur du STO
Initialement dispensé en tant qu'étudiant pour effectuer un stage de fraiseur et tourneur, Jean Tinturier est finalement requis pour le Service du Travail Obligatoire le 21 septembre 1943. Il part pour Schmalkaden avec trois autres séminaristes.
Sur place, il cache aux Allemands sa condition de séminariste et organise clandestinement une action catholique auprès des travailleurs français. Il met en place une messe en français mensuelle pour 150 ouvriers chrétiens et anime des temps de réflexion spirituelle.
Arrestation et déportation
Dès mars 1944, la Gestapo interdit tout mouvement confessionnel. Jean Tinturier est arrêté le 18 avril 1944 pour « activité illégale ». Le motif de condamnation qu'il signe le 25 septembre 1944 est sans ambiguïté : « Par son action catholique auprès de ces Français, pendant son service du Travail obligatoire, a été un danger pour l'État et le peuple allemand ».
Il est successivement déporté dans plusieurs camps : Flossenbürg (matricule 28903), Mauthausen (108814), Auschwitz (200000), puis de nouveau Mauthausen (123558), où il meurt d'épuisement le 16 mars 1945, à seulement 24 ans.
Une béatification historique à Notre-Dame de Paris
Le 13 décembre 2025, ces trois anciens de l'Institut Catholique de Paris seront béatifiés avec 47 autres martyrs français lors d'une cérémonie solennelle en la cathédrale Notre-Dame de Paris, récemment restaurée.
Cette béatification honore leur sacrifice suprême et reconnaît leur témoignage de foi face à la barbarie nazie. Leur mémoire rappelle que l'engagement chrétien au service des plus vulnérables peut conduire au don total de soi.
L'héritage de l'ICP
L'Institut Catholique de Paris s'honore d'avoir formé ces trois martyrs dont le courage et la fidélité à l'Évangile demeurent un exemple pour les générations futures. Leur parcours illustre la mission de l'ICP : former des chrétiens capables de témoigner de leur foi, même dans les circonstances les plus extrêmes.
Informations pratiques :
- Date de la béatification : 13 décembre 2025
- Nombre de martyrs béatifiés : 50 Français victimes du nazisme
- Reconnaissance papale : juin 2025 par le pape Léon XIV