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Un sujet pour aujourd'hui et pour demain : la protection sociale du clerc

Enjeux juridiques et perspectives

La Faculté de Droit canonique de l'ICP, soutenue par la Fondation pour le Clergé, a organisé un colloque sur "La protection sociale du clerc" en octobre 2023. Près de 150 personnes y ont assisté. Retour sur cet événement avec le Professeur Cédric Burgun, responsable du colloque et vice-doyen de la Faculté.

retour sur le colloque protection du clerc


Trois question à Cédric Burgun, vice-doyen de la Faculté de Droit canonique de l'Institut Catholique de Paris : 
 

En quoi le sujet de la protection sociale du clerc est d'actualité ?

Nous avons connu, au cours du XXe siècle, de grands changements juridiques et canoniques, ou encore fiscaux, autour de la prise en charge du clerc par son diocèse ou son institution religieuse. La loi de 1905 était déjà venu « interpeler » le droit canonique de l’époque sur cette prise en charge, le concile Vatican II est venu modifier en profondeur la rémunération des clercs ; le régime français des cultes, à partir des années 70, a lui aussi profondément évolué. De plus, les différentes réformes des retraites ont provoqué des interrogations.

L’ensemble de ce que l’on peut appeler la "protection sociale" du clerc en France peut-il encore évoluer et est-il bousculé par ces évolutions voulues par les gouvernements français successifs ? Nul n’ignore - et ce n’est pas une critique de le dire - que si les gouvernements français d’après-guerre connaissaient bien les régimes des cultes et la religion catholique, les différents gouvernements de ces dernières années s’éloignent d’une connaissance précise de ces sujets, sans compter que la spécificité d’un régime de protection sociale propre aux cultes, et / ou au catholicisme, apparait moins évident pour une société sécularisée.

Quelles réponses peut apporter le Droit canonique ?

Avec le Code de Droit canonique de 1917, divers régimes de bénéfices assuraient une rémunération au clergé. Après le Concile Vatican II, le directoire pour les évêques de 1973 établissait un principe de justice distributive (évoquée au n°117 a de ce Directoire) et l’idée d’une honnête subsistance visant une forme de nécessaire liberté pour l’apostolat. Les prêtres devaient aussi pouvoir venir en aide par eux-mêmes aux pauvres : il en allait de leur responsabilité personnelle. Le n°137 de ce même document évoquait aussi la nécessaire protection sociale des clercs par les assurances, santé, infirmités, invalidité, etc. faisant entrer une conception contemporaine de la justice sociale et des droits sociaux dans la gestion du clergé.
Tout ceci est à la base de la ratio legis, de l’intention du législateur, dans le Code de 1983. Le droit canonique n’est pas déconnecté des contingences d’une société et des droits fondamentaux des personnes, quand bien même ils sont clercs ou religieux.
 

Quels sont les conclusions et quels peuvent être les suites à donner à ce colloque ?

Le colloque a mis en lumière une saine tradition de protection sociale des clercs, tout en constatant d’une part la fragilité de sa compréhension par une société sécularisée, et les inévitables évolutions législatives qui pourraient fragiliser encore un peu plus cette protection, et d’autre part, une conséquence du système étatique : celle d’une trop grande délégation par l’autorité ecclésiale à l’Etat de cette protection sociale, conduisant le clergé dans son ensemble à se désintéresser de ces évolutions et de leur coût. Par exemple, l’intervention remarquée de M. Jean-Baptiste de Franssu, directeur de l’Institut pour les Oeuvres de Religions (Saint-Siège), a invité les participants à repenser l’économie « ecclésiale » dans une économie mondiale en crise économique, chacun devant essayer de mutualiser aux mieux ses efforts.
Sans doute ce colloque était-il le début d’une réflexion sur des sujets majeurs qui dépassent la seule protection sociale du clergé français.
 
Publié le 15 janvier 2024 Mis à jour le 18 janvier 2024

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